jeudi 21 novembre 2024
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An official (R) charges an electric car after the launch of the first public electric vehicle charging station, which will be used for electric vehicles transporting world leaders during the G20 conference in October this year, in the town of Nusa Dua on Indonesia's resort island of Bali on March 25, 2022. (Photo by SONNY TUMBELAKA / AFP)

Un G20 « de confrontation » sur la guerre en Ukraine La rencontre des ministres des affaires étrangères préfigure le sommet de novembre en présence de Poutine

Plus de quatre mois après l’invasion de l’Ukraine, les Occidentaux se seraient bien passés de croiser un invité qu’ils jugent désormais infréquentable : Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, a retrouvé, vendredi 8 juillet, ses homologues du G20, qui regroupe les vingt principales économies mondiales. Le ministre de Vladimir Poutine a été convié à Bali par le pays hôte de cette réunion, l’Indonésie. La rencontre devait tourner à l’affrontement entre les représentants russes, européens, américains et les pays « non alignés », qui refusent de choisir leur camp depuis le déclenchement de la guerre par Moscou. Depuis le 24 février et le début des hostilités, c’est la première fois que le chef de la diplomatie russe rencontre l’ensemble de ses homologues du G20. Pour lui, l’occasion est unique de briser le relatif isolement dont souffre son pays sur la scène internationale. Parmi les membres du G20, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud se sont abstenus lors du vote organisé à l’ONU début mars, afin de demander à Moscou de cesser les hostilités. D’autres, à l’instar de la Turquie, ont condamné l’agression russe, mais ne sanctionnent pas le régime de Vladimir Poutine.

« Pas de photo de famille »

« Il est de notre responsabilité de terminer la guerre au plus tôt et de régler nos différends à la table de négociation, pas sur le champ de bataille », a déclaré la ministre indonésienne des affaires étrangères, Retno Marsudi, à l’ouverture des travaux. L’impact du conflit « se fait sentir dans le monde entier, sur l’alimentation, l’énergie et les budgets, a-­t­-elle souligné. Et comme toujours, les pays pauvres et en développement sont les plus touchés ». Deux grands sujets devaient être abordés : les risques de pénurie alimentaire mondiale, et l’envolée des prix de l’énergie, que le retour de la guerre en Europe exacerbe. Difficile pour les Occidentaux de rester à l’écart de ces retrouvailles, à l’heure où ils cherchent eux-­mêmes à persuader les pays émergents de ne pas court-­circuiter les sanctions prises à l’égard de la Russie. Et redoutent toute forme de clivage entre « l’Ouest et le Reste du monde » dans l’affrontement avec Moscou. « La France et ses partenaires ne veulent pas faire la politique de la chaise vide. Il s’agit de faire avancer la coopération multilatérale sans pour autant légitimer l’agression russe », indique une source française. Pour ce diplomate, la réunion devait « être un forum de confrontation afin de répondre au récit russe. C’est la guerre menée par Moscou qui est la cause de la pénurie alimentaire, pas les sanctions. Idem pour les tensions sur les marchés énergétiques ».

« Il n’est pas question pour l’Union européenne de boycotter le G20, car il reste un forum essentiel. Nous devons nous assurer que le multilatéralisme peut fonctionner en temps de crise », a précisé la porte-­parole du haut représentant par les relations extérieures des Vingt­Sept, Josep Borrell, présent lui aussi à Bali : « La guerre effroyable contre l’Ukraine et les conséquences de l’agression de la Russie seront abordées au cours de ces réunions, mais nous ne permettrons pas que Moscou utilise le G20 comme une plate­forme pour sa propagande. » La présence de M. Lavrov est d’autant plus embarrassante pour les Occidentaux qu’elle préfigure le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du G20, organisé à Bali en novembre. L’Indonésie, dont le président Joko Widodo s’est rendu à Kiev et à Moscou, fin juin, revendique sa neutralité et a invité Vladimir Poutine. Joe Biden a fait savoir qu’il n’accepterait qu’à la condition que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, puisse lui aussi participer au débat, même à distance. Le même arrangement a été trouvé pour la réunion ministérielle. Le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kuleba, devait participer à distance à une partie des travaux. Cependant, les Occidentaux ne veulent pas faire comme si de rien n’était. A l’instar du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, ils devaient refuser de rencontrer M. Lavrov en tête à tête au fil des deux jours de réunion. « Il est clair que Catherine Colonna ne voudra pas de photo de famille avec Lavrov », indiquait-­on côté français avant la rencontre. La ministre française devait multiplier les rencontres bilatérales avec ses homologues, à l’exception de M. Lavrov. De son côté, ce dernier s’est entretenu dès jeudi avec son homologue chinois, Wang Yi, et lui a affirmé que face à « la ligne agressive des Occidentaux », la Russie rencontrait « la compréhension et le soutien d’un nombre croissant » de pays. Dans ce contexte de profondes divisions, aucune percée n’est espérée sur les enjeux du moment, à commencer par la crise alimentaire et l’énergie. Il ne faut pas non plus s’attendre à une déclaration commune, mais plutôt à une prise de position de la présidence indonésienne, en son nom propre.

Philippe Ricard in Le Monde