La menace de Gazprom de couper l’approvisionne- ment vers la Moldavie serait une tentative d’empêcher l’Ukraine d’utiliser son système de transit.
Entre date butoir d’approvisionnement et déclarations politiques, le spectre d’une guerre du gaz est de retour. Entre d’une part la Russie et, d’autre part, l’Ukraine, la Moldavie et l’Europe. Gazprom, le bras gazier du Kremlin, a imposé une date butoir : à partir de lundi 28 novembre, 10 heures, il commencera à réduire l’approvisionnement en gaz vers l’Ukraine en cas de déséquilibres dans la redistribution vers la Moldavie.
Moscou accuse Kiev d’avoir accumulé ce mois-ci plus de 52 millions de mètres cubes destinés à Chisinau en « volant » une partie des livraisons pour l’utiliser à ses propres fins. De facto, Moscou soupçonne l’Ukraine de « siphonner » du gaz prévu pour la Moldavie. Du fait des méfaits en ricochet de « l’opération militaire spéciale », selon la litote du Kremlin, ces deux pays subissent une crise .
Mais au-delà de ce différend, c’est l’approvisionnement vers l’Europe qui se retrouve menacé : en coupant le flux vers l’Ukraine, Gazprom pourrait mettre un terme à sa seule route restante d’approvisionnement vers le Vieux Continent (avec 43 millions de mètres cubes par jour). « Les pressions, le chantage et les menaces ne marchent plus », a prévenu le vice-Premier ministre moldave, Andrei Spinu. « Pour être clair, tout le gaz livré à la Moldavie finit par arriver dans notre pays », a-t-il rassuré, contestant la version russe des faits.
Gazprom a déjà réduit de moitié ses exportations de gaz vers Chisinau.
Chisinau a répété qu’il paierait pour le gaz fourni par la Russie mais retenu en Ukraine par où il transite. « Les volumes de gaz auxquels Gazprom fait référence et qui restent en Ukraine sont nos réserves et elles sont stockées dans des entrepôts en Ukraine. Notre pays a toujours payé pour ces quantités et continuera de les payer dans leur intégralité », a précisé Andrei Spinu.
Petite ex-république soviétique se chauffant en grande partie avec ce gaz russe via le territoire ukrainien, la Moldavie et ses 2,6 millions d’habitants subissent les conséquences du conflit depuis neuf mois. Gazprom a déjà réduit de moitié ses exportations de gaz vers Chisinau. Lundi, la communauté internationale a annoncé de nouvelles aides à la Moldavie, à hauteur de 100 millions d’euros.
Un levier politique
L’accumulation des 52 millions de mètres cubes « siphonnés » ne serait donc qu’une mesure technique. Mais comme souvent dans les relations gazières entre la Russie et ses voisins, c’est devenu un levier politique. La menace déguisée d’interruption des livraisons sur- vient alors que les températures ont chuté ces derniers jours en Europe, augmentant la demande en gaz.
Une nouvelle pression russe sur l’Union européenne, dont le premier fournisseur était Moscou avant son intervention militaire en Ukraine. Plus d’un tiers du gaz consommé par les Vingt-Sept venait de Russie. L’UE a depuis largement réduit ses importations, à hauteur de moins de 10 % de tout le gaz importé, selon Bruxelles.
B. Q.